samedi 21 novembre 2015

Vous trouverez à la suite trois textes sur la situations de notre pays.
Le premier est la prise de position d'un député socialiste refusant la prolongation de l'état d'urgence, les deux autres, issus de mouvement franchement communiste dont le notre, Pôle de Renaissance communiste en France, montrant l'implication des politiques nationales et internationales de nos gouvernants et l'impérieuse nécessité du vrai rassemblement du peuple ouvrier.





Pourquoi je voterai contre la prolongation à 3 mois d’un état d’urgence,

par Pouria Amirshahi

 Énième sursaut ? Régressions démocratiques ? Réveil des consciences ? Comment empêcher d’autres morts, d’autres destins brisés par des esprits aussi manipulés que résolus à tuer ? Ce qui se joue depuis janvier 2015 et novembre 2015, c’est-à-dire l’avenir de notre société, se dessine en ce moment. Sur le front extérieur comme intérieur, le président de la République a déclaré la France « en guerre ».

 
La source de cette « guerre » prend racine d’abord dans la géopolitique : la faillite des Etats, les corruptions et les bouleversements qui font le terreau de croissance des monstres tels Daech. Interroger cette géopolitique, c’est nous interroger nous-mêmes, Français, sur les désordres du monde. C’est à cette échelle qu’il convient d’assécher immédiatement les sources de financement du groupe « Etat Islamique ». C’est à ce niveau que nous devrons réviser nos alliances – y compris de commerce d’armes - avec des Etats pour le moins ambigus si ce n’est directement impliqués dans les troubles actuels.

 
C’est enfin à cette échelle que doit se conduire effectivement une autre politique de reconstruction et de développement. En gros, traduire en actes une nouvelle doctrine qui pourrait se résumer ainsi : « leur développement, c’est notre sécurité ».
 

Il y a ensuite les fragilités françaises qui voient des jeunes Français manipulés et endoctrinés sur fond de désamour avec la République, devenir assassins et haineux de leur propre pays. Encore ultra-minoritaires, ils croissent et se radicalisent. Il faudra bien très vite sortir des discours de tribune parlant de nos banlieues pour mettre, dès maintenant, autant de créations de postes nouveaux pour les politiques publiques de la ville, de l’action sociale, de l’éducation que nous en mettons dans la police et l’armée – sans regarder jamais à la dépense, comme si c’était plus important.
 

Mais pour l’heure, il convient pour le Parlement de se prononcer ce jeudi 19 novembre, sur la prolongation pour 3 mois de l’état d’urgence, c’est-à-dire d’une « loi d’exception », dont le premier ministre avait pourtant dit le 13 janvier 2014 qu’elle n’était pas compatible avec l’esprit de notre République. Le projet du gouvernement - déposé avant même le terme des 12 jours légalement prévus et entamés le 13 novembre - entend renforcer les capacités coercitives de l’administration et des pouvoirs de police et durcir les conditions de détention des personnes suspectées prévues depuis 1955. C’est dans la précipitation que les législateurs vont délibérer d’une restriction sévère de nos libertés publiques, de nos loisirs et sorties, de nos manifestations de solidarité, de notre droit à nous réunir. Conformément à la loi de 1955, ces restrictions pourront intervenir à tout moment, à titre permanent le cas échéant, sur décision du préfet.
 

Celles et ceux qui assument que les libertés puissent (ou doivent) passer au second plan d’une sécurité première ont le mérite de la cohérence. Vieux débat qui traverse la France depuis 1789. Mais pour celles et ceux qui, nombreux dans les paroles, ont affirmé avec force que la démocratie ne gagnera qu’en étant elle-même, en ne rognant pas un pouce de droit ni de liberté, il y a une grave contradiction à défendre aujourd’hui l’inverse dans la Loi : est-ce assumer notre démocratie que d’interdire potentiellement des manifestations citoyennes ? Est-ce faire preuve d’audace que d’interdire des réunions publiques au moment où les Français ont besoin de parler, de se parler, pour comprendre ? Plus que jamais nous avons besoin que la société mobilisée se mette en mouvement : pour faire vivre la démocratie bien sûr, mais aussi pour entraîner les citoyens contre les dérèglements du monde et les fanatismes monstrueux qu’ils engendrent. On n’assigne pas une société à résidence.

Bien entendu la République doit être en capacité de se défendre. Contrairement à ce qui est affirmé par les tenants d’un virage néoconservateur, nous disposons d’un arsenal judiciaire et répressif très dense, révisé plus de 11 fois en 10 ans. Sait-on par exemple que les investigations qui ont conduit aux opérations de police mercredi à Saint-Denis ont été menées indépendamment de l’état d’urgence, dans un strict cadre judiciaire et d’enquête pénale ? « Oui, mais demain, après-demain… Comment faire ? » entend-on parfois du côté de ceux que l’uniforme rassure, même s’ils sont lucides sur l’effet peu persuasif des dispositions de sécurité de rue sur des terroristes déterminés, jusqu’à se faire sauter.
 

En premier lieu, il convient d’appliquer le code de procédure pénale qui autorise déjà, dans le cadre de la lutte antiterroriste, le recours à des perquisitions de nuit, mais également l’utilisation de techniques d’enquêtes spéciales que ne permet pas l’état d’urgence (écoutes, micros, surveillances etc.). La chancellerie a d’ailleurs déjà ordonné que les affaires de terrorisme soient prioritaires.

Ensuite, il est temps de changer de stratégie de sécurité, par exemple en déployant quelques milliers de policiers et gendarmes aujourd’hui affectés au peu efficace plan Vigipirate, qui de l’avis de tous les spécialistes vise d’abord à rassurer le quidam, vers des investigations, des enquêtes, des filatures… Ce qu’apprécieront juges et policiers, renforcera notre efficacité, et donnera des preuves aux citoyens.

Les actions de justice et de police ont montré que le besoin prioritaire de moyens et de coordination entre services était plus important sans doute que les dispositifs exorbitants de droit commun accordés aux services de sécurité que constituent par exemple la dernière loi renseignement ou une durée anormalement longue d’un état d’urgence.

 
Il est enfin un obstacle majeur à mon approbation d’une prolongation pour trois mois (durée d’ailleurs aussi arbitraire qu’inexpliquée par le gouvernement) : l’empressement d’une modification constitutionnelle, de notre Loi fondamentale, alors même que le chef des armées vient de nous déclarer « en guerre » et que la France sera en état d’urgence.

        Pas une démocratie moderne ne modifie ses règles les plus précieuses en période où prime la possibilité de dérogation à ces mêmes règles. Sans même entrer dans le contenu des modifications envisagées, dont certaines sont la reprise des vieilles revendications du bloc réactionnaire (déchéance de nationalité, présomption de légitime défense - c’est-à-dire permis de tuer - des policiers), on ne saurait, en pleine conscience républicaine, accepter de procéder à ces modifications substantielles de droit fondamental en pleine application d’une loi d’exception. Cette dernière exigence de séparation des temps de notre démocratie ayant été refusée par le premier ministre je voterai contre la prolongation à 3 mois d’un état d’urgence qui va au-delà des pouvoirs administratifs exceptionnels et s’appliquera sans contrôle démocratique véritable.

 Pouria Amirshahi est député socialiste des Français établis hors de France (note de la rédaction)











Déclaration du secrétariat national du PRCF


Paris, le 19 novembre 2015


 
A l’unisson d’autres forces démocratiques* comme le Syndicat de la magistrature ou comme le courageux député socialiste critique Pouria Amirshahi, le secrétariat politique national du PRCF se prononce contre la prorogation à trois mois de l’état d’urgence**. Le PRCF condamne aussi le chambardement constitutionnel gravement antidémocratique programmé par Hollande dans un climat d’hystérie attisé par la droite et par le FN.
 

La réalité, c’est que l’exécutif dispose déjà de tout l’arsenal législatif lui permettant de mener la lutte antiterroriste, si tel est son vrai but, et que même, nombre des dispositifs législatifs ou réglementaires existants sont déjà attentatoires aux libertés démocratiques, individuelles et syndicales. Ce pouvoir qui traite les ouvriers d’Air-France de « voyous » et qui les fait arrêter à 5 heures du matin veut en fait se doter des moyens d’exception qui lui permettront d’interdire à jamais les mouvements politiques et idéologiques, voire syndicaux qui refusent l’euro-dissolution de la France, les guerres impérialistes à répétition, le démontage des acquis du CNR et de la Révolution française. Le but de Valls-MEDEF et de ses amis de la droite est aussi de faire passer un maximum de lois antisociales sans être gêné par les grèves et par les manifs populaires.
 

Sans tomber dans les provocations, en parlant constamment le langage de la raison et en cherchant sans relâche l’unité d’action des forces ouvrières et démocratiques, le PRCF appelle les travailleurs à poursuivre dans l’union leur combat légitime et pacifique, notamment le 2 décembre prochain autour des courageux ouvriers d’Air-France. Par ailleurs le PRCF appelle à amplifier la campagne de signatures pour un référendum permettant au peuple français de se prononcer pour la sortie de l’UE. Cette dernière, en soutenant Erdogan (le premier ministre turc proche des milieux intégristes), a montré plus que de la complaisance à l’égard de Daesh, qui s’arme avec l’argent qui provient du pétrole de contrebande écoulé en Turquie. Quand la classe ouvrière réalise autour d’elle l’union du peuple de France, c’est bon pour la nation, pour la bonne entente des membres du peuple de France, pour la mise hors d’état de nuire des fanatiques, pour la défaite de l’ultra-droite réactionnaire que flatte servilement Valls, cet anti-Jaurès qui a toujours combattu la vraie gauche. Dans le même esprit, le PRCF appuie l’exigence de la Fédération Nationale de la Libre Pensée pour que la manifestation républicaine et laïque du 5 décembre, maintenue par ses organisateurs, soit autorisée.
 

Concernant la manière de combattre Daesh en Syrie, le PRCF souhaite ardemment que ce foyer pestilentiel de mort et de haine soit détruit et extirpé, ainsi que les pseudo-« terroristes modérés » (sic) d’Al Nosra liés à Al Qaida. Mais sous peine de permettre aux dirigeants impérialistes, gouvernement Valls inclus, de faire à tout moment dévier leur action « anti-Daesh » contre l’ensemble du peuple syrien (comme ce fut le cas à l’encontre du peuple libyen à l’époque de Sarkozy), l’intervention n’aura de légitimité que si elle est strictement cadrée par le droit international, sous mandat strict de l’ONU et en intégrant à la coalition comme un acteur incontournable et central l’armée régulière syrienne relevant d’un Etat souverain et laïque.
 

Le gouvernement Hollande, qui porte une responsabilité accablante dans le développement de la guerre civile en Syrie, doit aussi cesser de poser des préalables au sujet de la présence ou pas d’Assad à la conférence de réconciliation nationale. Il ne s’agit pas de savoir ce que NOUS pensons ou pas d’Assad, il s’agit de savoir ce que le peuple syrien décidera à son sujet dans le cadre d’un processus de paix lui permettant de s’exprimer souverainement, donc SANS l’ingérence du bloc atlantique et de ses vassaux turcs, saoudien ou qatari – sans lesquels Daesh ne serait rien. Il faut revendiquer haut et fort que la France officielle cesse scandaleusement de considérer l’Etat syrien comme l’ennemi principal et qu’elle cesse aussi d’avoir pour amis principaux dans le Golfe les pétromonarchies qataris et saoudiennes qui exportent partout à coups de pétro-milliards leurs vues obscurantistes, misogynes et esclavagistes.
 

Le PRCF appelle les communistes et les autres progressistes à continuer sereinement leur vie démocratique pacifique, à ne pas cesser le dialogue public avec le peuple, avant tout avec la classe ouvrière et la jeunesse et, tout en évitant les provocations qui ne serviraient que les forces réactionnaires, à défendre leurs objectifs de paix, de souveraineté nationale, d’unité combative du peuple travailleur, de progrès social, de démocratie et de fraternité entre tous les travailleurs, tous les peuples et toutes les jeunesses du monde.
 

* Comme l’a déclaré la direction de la Ligue des Droits de l’Homme, « le pouvoir exécutif entend imposer sa vision d’une démocratie » où lui-même « l’emporte sur les autres pouvoirs et sur les libertés individuelles », ajoute la LDH, qui déplore qu' »une seule alternative » soit proposée, entre « un pouvoir fort ou le terrorisme, sans se préoccuper d’assurer la cohésion sociale et l’égalité des droits ».

** Nous prenons acte avec consternation du positionnement à ce sujet de la direction du PCF-PGE.