Après
le 1er tour des REGIONALES,
ETAT
d’URGENCE pour le MOUVEMENT POPULAIRE
Entretien
d’Initiative Communiste (journal
national du PRCF) avec Georges Gastaud, secrétaire national du Pôle de
Renaissance Communiste en France (PRCF), 7 décembre 2015.
DEUX
PROPOSITIONS D’ACTION
AUX
ORGANISATIONS ET AUX PERSONNALITES DU MOUVEMENT PROGRESSISTE
Initiative Communiste : d’abord
un mot sur la défaite de Maduro, président du Venezuela. Qu’en conclure selon
toi ?
Georges Gastaud : A notre
époque de mondialisation capitaliste, avec toute la « brutalisation » des
affrontements de classes que cela comporte, on ne peut en effet isoler la
France d’une conjoncture internationale très rude. Pour me limiter aujourd’hui
au Venezuela et à l’Amérique latine, nous ne sommes hélas pas surpris par ce
résultat qui est une mauvaise nouvelle pour tous les progressistes du monde.
Quand Obama a (provisoirement) retiré ses troupes au sol de plusieurs théâtres
du Proche-Orient, il a à la fois renforcé sa pression sur la Russie en
soutenant les pires réactionnaires ukrainiens et lancé une vaste
contre-offensive en Amérique latine. Pour isoler et diviser l’Alternative
bolivarienne des Amériques, l’ALBA créée par Fidel et par Chavez, les USA et
les oligarchies locales à leur dévotion ont à la fois encouragé les dérives
droitières des gouvernements brésilien et argentin (qui n’avaient pas besoin de
se faire trop prier), encouragé les tentatives golpistes quand ils le pouvaient
(Costa Rica, Equateur…), orchestré d’incessantes campagnes pour salir le «
régime » hérité d’Hugo Chavez, et surtout, utilisé leurs alliés saoudiens,
qatari, koweitiens, etc. pour comprimer le prix mondial du pétrole : il
s’agissait de nuire, d’une part à la Russie, d’autre part au Venezuela dont les
programmes sociaux reposaient largement sur la redistribution de la rente
pétrolière. Ainsi avait procédé Kissinger en 1971 en déstabilisant les cours du
cuivre, le « salaire du Chili », pour déstabiliser le gouvernement Allende.
Plus que jamais nous sommes aux côtés du
PC du Venezuela qui, depuis le début du processus bolivarien, procède avec
intelligence, d’une part en soutenant ce processus de manière fraternelle et
critique, et qui d’autre part, explique qu’aucune révolution socialiste ne peut
s’opérer sans une organisation politique marxiste propre à la classe ouvrière,
en un mot, sans la construction d’un puissant parti communiste allant jusqu’au
bout des processus révolutionnaires en affrontant les deux questions décisives
: celle du pouvoir d’Etat, qui doit passer dans les mains des ouvriers et des
paysans comme ce fut le cas à Cuba en 59, et celle de la socialisation des
grands moyens de production et d’échange qui, au Venezuela, sont largement
restés aux mains de l’oligarchie.
Plus que jamais l’heure est à la
solidarité avec le Venezuela bolivarien, avec la Bolivie d’Evo Morales, qui a
prononcé un admirable réquisitoire anticapitaliste à la COP 21, avec le
Nicaragua sandiniste, et bien entendu, avec Cuba socialiste et avec son Parti communiste.
Pour cela, notre tâche est d’abord de riposter aux campagnes de calomnies
menées par nos médias contre les pays de l’ALBA.
Initiative Communiste : En France, avec un peu plus de recul,
comment apprécier la situation après les attentats terroristes et l’institution
de l’état d’urgence ?
Georges Gastaud : Je
renvoie à notre communiqué paru dans l’I.C.
de décembre sous forme d’édito. Bien entendu, avec le recul, on peut toujours
polir davantage telle ou telle formule. Mais tout en condamnant sans aucune
espèce de «
compréhension » les hideux attentats intégristes contre la jeunesse multicolore
de France, le PRCF s’honore de ne pas avoir marché dans l’union sacrée derrière
Hollande, ni dans l’ « union nationale » pour l’état d’urgence à rallonge – et
peut-être à perpète ? Cet état d’urgence (1) que Hollande veut en quelque sorte
constitutionnaliser au risque de fournir toujours plus de leviers légaux à une
future dictature lepéniste si la lignée Le Pen accède un jour à l’Elysée. Quand
on veut juger de l’état d’urgence, il ne s’agit pas seulement de savoir si
celui-ci est EN SOI nécessaire. Il n’y a pas seulement à considérer qui doit
être frappé et il est clair que si un pouvoir franchement progressiste était en
place en France, il frapperait dix fois plus durement les fanatiques – et les
racistes qui sont leur image inversée au miroir – que ne le font et que ne
peuvent le faire les pouvoirs maastrichtiens actuels (depuis des décennies ils
ont sous-traité de fait certains quartiers à l’abandon aux intégristes, ils ont
vendu le pays aux Emirats, etc.). Mais la nature de classe du pouvoir en place
n’a pas changé, hélas, le 14 novembre au matin. Il s’agit toujours, sous une
couverture « socialiste » de moins en moins trompeuse, d’un pouvoir brutalement
patronal, ultra-européiste et ultra-atlantique, un pouvoir social-« médéfien »
qui fait arrêter des syndicalistes au petit matin, qui embastille des centaines
d’écolos en les amalgamant à d’étranges casseurs toujours présents là où il
faut fournir prétexte à la répression ; un pouvoir qui s’arroge le droit de
dissoudre toute organisation qu’il jugera, souverainement, et sans appel,
dangereuse pour l’ « ordre public » ; un pouvoir qui, rappelons-le, a mené à la
suite de Sarkozy, une politique criminelle de déstabilisation des Etats
souverains de Syrie et de Libye en vendant des Rafales à l’Arabie saoudite, en
refusant à la Russie des navires Mistral déjà payés par Moscou (ces bateaux ont
ensuite été rachetés par l’Egypte, mais c’est Riyad qui a signé le chèque…), en
faisant partout de l’armée française, évacuée par Sarkozy de nos frontières
Nord-Est, un supplétif humilié et totalement anglophonisé du Commandement
intégré de l’OTAN. De même qu’en Syrie, nous ne saurions donner carte blanche
aux Fabius, Hollande, Obama qui ont misé de fait des années durant sur les
fanatiques du Front Al Nosra, des fanatiques rivaux de Daesh mais liés à Al
Qaida… Et pour cause, ces « fanatiques modérés » sont avant tout des ennemis de
Damas, que les anciennes puissances coloniales de 1918 (la France et
l’Angleterre) ont dans le collimateur ! Nous disons en outre que, tant pour
être efficace que pour être légitime, une intervention internationale pour
écraser Daesh doit AU MINIMUM être menée sous l’égide du Conseil de sécurité de
l’ONU unanime, donc sans tenter en permanence de traiter la Russie et la Chine
comme des ennemis, et surtout, cette intervention doit être construite en
totale coordination avec l’Etat syrien, seule force terrestre apte à contrer à la
fois Daesh et Al Nosra. Rappelons en effet que l’OTAN soutient le Turc
intégriste Erdogan, sans lequel Daesh ne pourrait vendre son pétrole de
contrebande pour s’armer jusqu’aux dents. C’est d’abord au peuple syrien de
juger le bilan d’Assad, et très logiquement, c’est d’abord le PC syrien que le
PRCF soutient en Syrie, comme il se doit. Mais la racine impérialiste de la
terreur qui s’abat sur le monde, sur fond de Croisades et de Djihads manipulés,
la rampe de lancement de toutes ces migrations massives qui font de tout
travailleur un nomade en puissance, tantôt chair à canon des guerres « com-munautaires
», tantôt chair à profit de la si « humaniste » Merkel, c’est la politique
impérialiste de déstabilisation des Etats souverains qui, des talibans aux djihadistes
du Levant en passant par les néonazis de Kiev, crée partout des monstres
politico-militaires, puis se sert ensuite du chaos ainsi créé pour stranguler
les libertés, aggraver l’offensive antisociale, pousser l’intégration
euro-atlantique, ouvrir un boulevard au racisme et utiliser le chaos comme une
stratégie de division et de soumission.
Parlant de tout cela, nous ne sommes pas
si loin de la situation électorale en France car pour contourner les
affrontements de classes engendrés par leur politique de casse, les gouvernants
maastrichtiens successifs du PS et de l’UMP ont créé les conditions
(laisser-faire envers les intégristes, abandon au FN des principaux signifiants
nationaux criminalisés depuis trente ans par la gauche bobo) d’une guerre civile
larvée entre le national-racisme, ce contraire du vrai patriotisme, et certains
secteurs déboussolés de la jeunesse défavorisée.
Plus que jamais, sur le plan
international, il convient donc de faire vivre dans notre pays, qui avait de
tout autres traditions quand le PCF était clairement patriote et
anti-impérialiste, un grand mouvement unitaire pour la paix et pour le droit
des peuples à disposer d’eux-mêmes, sans contourner la question de la rupture
avec l’UE-OTAN ni oublier d’articuler cette action internationaliste aux
besoins internes de notre pays en matière de « produire en France », de
services publics, de pouvoir d’achat des couches populaires, de réduction de la
précarité (le PRCF n’a cure d’idéaliser le soi-disant « prolétariat
international nomade » qui farde de rouge l’Europe supranationale et la
mondialisation prédatrice : avant de CHOISIR d’émigrer, chacun doit pouvoir
d’abord vivre et travailler dans son pays et dans sa langue maternelle : marre
du tout-anglais transatlantique comme levier patronal pour dénationaliser les
protections sociales) et de relance du progrès social.
Assez d’argent pour l’UE/OTAN, les
richesses produites par les travailleurs doivent aller à la Sécu, à la
ré-industrialisation « propre » du pays et aux services publics !
Initiative Communiste : Venons-en aux régionales. Que faire après ce
scrutin à tous égards désastreux ?
Georges Gastaud : Je ne reviens pas sur l’analyse que le PRCF a
fournie, dans ses grandes lignes, dès le soir du 1er tour, ni sur les «
consignes » électorales que nous avons explicitées dans la foulée. Je ne puis
que noter, non avec autosatisfaction mais avec tristesse, que toutes les
analyses de la Conférence nationale du PRCF (mars dernier) sont une nouvelle
fois validées. Ceux qui nient la fascisation de la France et de l’Europe, ceux
qui minimisent à tous coups la signification dangereuse du vote FN et sa très
forte percée dans la jeunesse et une partie de la classe ouvrière désorientée,
ceux qui continuent de radoter, comme s’il n’y avait pas eu la capitulation de
Tsipras, sur la « réorientation progressiste de l’euro et de l’UE », sur le «
service public européen » ou sur l’introuvable « révolution européenne », ceux
qui espèrent même réorienter de l’intérieur… l’état d’urgence en le «
contrôlant démocratiquement » ( !!!), ceux qui se sont électoralement alignés
sur le Front de gauche euro-constructif (lequel a souvent omis de critiquer les
euro-régions dans ses professions de foi), ceux qui, syndicalement, rêvent à
voix haute que les états-majors syndicaux vont finir par retrouver d’eux-mêmes
la voix du combat de classe sans que les syndicalistes de classe et de terrain
ne s’unissent « en bas », ceux qui lâchent prise sur la laïcité et la loi de
1905 en confondant main tendue aux travailleurs croyants et complaisance envers
le clérical-communautarisme, ceux qui ont toujours mieux à faire que de
nationaliser l’action communiste et progressiste pour la sortie de l’UE, ceux
qui préfèrent cultiver l’auto-proclamation « communiste » en faisant de la
révolution le préalable à tout front unique concret, tous ceux-là doivent
s’interroger à temps et dans leur propre intérêt : car désormais, c’est de la
France et de l’honneur même du mouvement démocratique qu’il y va, et non de
l’amour-propre de tel ou tel. De même devraient s’interroger ceux qui
continuent de théoriser l’abandon au F.N. des signifiants majeurs « France », «
nation », drapeau tricolore, Marseillaise (que le PCF de Duclos et la CGT de
Krazucki savaient encore unir) et, bien plus gravement, ceux qui, en sens
inverse et en rupture de progressisme radical, en viennent à lorgner sur le FN
en le présentant honteusement comme un parti de souveraineté nationale ALORS
QUE LA LE PEN VIENT DE RALLIER OUVERTEMENT LA CONSTRUCTION EUROPEENNE et que
ses experts économiques multiplient les œillades en direction du MEDEF.
D’ailleurs, le PRCF qui avait le premier, bien avant que cette expression ne
fût récupérée et dévoyée par le FN, l’idée d’UMPS, parle désormais d’ «
U.M.-PEN-S », tant Sarko-Estrosi-Ciotti et Cie chassent sur les terres
répugnantes de la xénophobie et tant, symétriquement, le FN multiplie les
signaux négatifs pour les travailleurs sur les 35 h, la retraite à 60 ans, le
Code du travail, sans parler des déclarations de MLP sur la « perspective de
rester dans l’UE si celle-ci nous rend notre souveraineté » (et si l’OTAN
adhère au Secours populaire, pendant qu’on y est ?).
En un mot,
cessons de pratiquer le paralysant « optimisme de l’intelligence, pessimisme de
la volonté » en racontant qu’il n’y a pas de fascisation, que le FN n’a rien de
fascisant, qu’il y a une différence de nature infranchissable entre FN et UMP,
que « l’Europe est à nous », que Hollande défend de gentils démocrates en
Syrie… et autres naïvetés suicidaires :
PASSONS plutôt à l’ETAT D’URGENCE
DES ORGANISATIONS ET DES MILITANTS FRANCHEMENT PROGRESSISTES
Organisations
progressistes (directions du PS exclues), politiques et syndicales, PCF, Parti
de gauche, POI et POID, syndicats de lutte hors direction jaunâtre de la CFDT,
défenseurs des libertés démocratiques, mouvements anti-impérialistes,
rencontrons-nous sans exclusive et organisons rapidement des manifestations
nationale et régionales tournées à la fois contre le F.N. et l’U.M.’ Pen en
gestation, MAIS AUSSI contre Valls-MEDEF et l’ensemble des contre-réformes
maastrichtiennes, contre l’euro-austérité, contre l’OTAN, sachant que le PRCF
ne renoncera jamais dans ce cadre à faire entendre avec d’autres sa ligne des «
quatre sorties » par la voie progressiste de l’euro, de l’UE et de l’OTAN. Il
est encore temps de donner D’EN BAS, sans rien espérer des magouilles UMPS ou
UM’ Pen, un grand coup d’arrêt populaire analogue à celui que portèrent en
1934/36 les dirigeants du PCF et de la CGTU quand ils portèrent l’initiative,
encouragée par l’Internationale communiste, du premier Front populaire
antifasciste et patriotique qui stoppa la marche en avant des mouvements
d’extrême droite. Portons à cette occasion une série de revendications
unificatrices pour les libertés démocratiques, l’égalité sociale et civique, la
fraternité entre les travailleurs et entre les peuples.
Organisations
communistes, progressistes, démocratiques, patriotes républicains 100% anti-FN
et 100% anti-UE, organisons ensemble très vite une table ronde nationale (et
quand c’est possible, départementale ?) sur la sortie par la voie progressiste
(nationalisations démocratiques, progrès social tous azimuts, relance du
produire en France, lutte contre le tout-profit anti-environnemental, services
publics, antiracisme, laïcité véritable, égalité des sexes, politique
internationale de paix et de souveraineté, démocratie mettant le monde du
travail au centre de la vie nationale et -
pour ce qui concerne les communistes, perspective du socialisme pour la
France). Alors que le FN rallie l’euro et l’UE, plus que jamais il faut prendre
très vite une initiative nationale VISIBLE et UNITAIRE avec trois principes
politiques clairs et fédérateurs :
-plus
aucune illusion sur la prétendue « réorientation de l’UE », il faut sortir au
plus tôt, unilatéralement au besoin, de la prison des peuples européenne qui
est en train d’enflammer la France !
-cordon
sanitaire absolu à l’encontre du FN et de ceux qui lui trouvent d’éventuelles
vertus : donc, défense des libertés démocratiques, dénonciation de la marche à
l’Etat policier car le FN n’est que la pointe émergée du processus de
fascisation sur fond de criminalisation
continentale du communisme historique.
-pour
l’indépendance, la paix, la démocratie, le progrès social, la fraternité entre
les travailleurs et entre les peuples, la reconstitution d’une vraie démocratie
populaire dans notre pays malade de Maastricht, du grand capital et des
pouvoirs liberticides successifs !
Le PRCF en appelle aussi publiquement,
pour organiser cette initiative urgente, à des intellectuels progressistes
comme F. Lordon, J. Ruffin, A. Bernier et bien d’autres personnalités
antifascistes et eurocritiques, mais aussi aux journalistes du Monde diplo, etc. Car l’heure n’est plus
aux seules analyses, aux seules dénonciations, elle est AUSSI à la construction
urgente d’une alternative unitaire VISIBLE à la tempête réactionnaire qui
menace notre pays. Ensemble, ASSUMONS NOS RESPONSABILITES, il est minuit moins
cinq !
(1)Le
meeting de la Libre Pensée organisé le 5 décembre au gymnase Japy à Paris pour
défendre la loi de 1905 (séparation de l’Etat et des Eglises), et qui a
accueilli plus de mille personnes, n’a eu droit à aucune protection policière
tant soit peu visible… Pourtant, mille militants laïques réunis dans le 11ème
de Paris auraient pu devenir une cible de choix pour les fanatiques ! Etat
d’urgence pour défendre QUOI, la nation républicaine ou l’ordre
capitalo-impérialiste ?
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